Aujourd’hui Betsie 2644 n’est pas sortie après la traite du matin, malgré le beau temps de ce deuxième jour d’automne. Avec sa centaine de copines, elle est restée à l’étable, et a pu entendre causer hollandais, français, roumain et ranglais (l’anglais roumanollandofrançais). Ce dernier point est assez habituel dans ce GAEC cosmopolite, mais cette fois ça causait aussi au micro, entre deux morceaux de Bob Dylan ou Nina Simone, avec beaucoup d’émotion. On parlait de Kees, de son parcours, de sa passion, de tout ce que sa forte personnalité a permis de faire éclore. Kees était là de plein de façons différentes, dans tout ce et dans tous ceux qu’on voyait. Son corps, dans le cercueil, a fait une dernière fois le trajet vers l’étable, porté par l’équipe du GAEC. C’est quand même pas courant d’avoir presque autant de vaches que d’humains à sa cérémonie d’adieu, surtout vu la foule. Ça aussi, c’était du 100% Kees.
Kees était un ami, et un ami cher à beaucoup. Quand il a appris son cancer, il y a deux ans et demi, il a commencé à écrire sa vie. Quand il me l’a dit ça a relancé le projet de livre avec lui (un projet commencé avant Saveurs fermières, et mis en pause pour faire ce premier livre ensemble). On savait tous les deux que je le finirai sans lui. Il est à peine commencé : on en était aux discussions. Ça prendra le temps qu’il faut, mais la vie de Kees n’a pas fini de germer dans celle des autres.
Un dernier croquis pour la route : le mois dernier, à la ferme, quand notre conversation fut brièvement interrompue par une négociation de colza.
La rosée des détails, c’est une expression de Khalil Gibran, tiré du texte sur l’amitié, dans Le Prophète, lu et écouté ce 22 septembre au Buisson.