Jeudi, c’est Ibeyi

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Vendredi dernier, une halte au Quai Branly. Un musée rempli de pièces magnifiques, détournées de leur fonction première pour être offertes à notre curiosité. Je pense au film Les statues meurent aussi, qui réveille la violence sous cet étalage, tandis qu’une famille black déambule joyeusement « Ah, ça y est, là ça vient du Congo! ». Deux blondinets d’une dizaine d’années, un peu paumés, pointent des similitudes « C’est l’Asie, là, non? ». Non, ce sont les pièces consacrées au Bénin et au Nigéria, berceaux, entre autres, du peuple Yoruba.

ibeyiLe Yoruba c’est aussi une langue, et une religion, que la traite négrière a fait essaimer jusqu’à Cuba.

Lisa-Kaïnde et Naomi, les jumelles d’Ibeyi, ont 19 ans et n’ont pas découvert les Yorubas au quai Branly. Elles sont de Paris mais aussi de La Havane, un pied ici, un pied à Cuba. Elles chantent en anglais, en français, et en yoruba. Attention, c’est entêtant.

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Plombier de l’espace

Tous les premiers mai depuis deux ans que le Constance Social Club est en préfiguration (et en chantier) à Faux-la-montagne (23), on y fait ce qu’il nous plaît. Avec un barbecue, des ateliers, des surprises et des concerts.

Ce 1er mai donc, malgré un bon vieux temps creusois (pluie + fort vent + température à un chiffre), on s’est tassés, délassés et réjouis dans le « Jésus bar » de Constance (association tendance MJC éduc pop-punk à laquelle on peut adhérer gratuitement et faire des dons en nature, et qui sera prochainement au coeur d’un lieu associant ateliers d’artistes, résidence et bar qui change de nom à chaque fois).

Il y eut un petit groupe de collégiens qui reprenaient en basse-guitare-accordéon-batterie de bons vieux standards de vieux rock (vieux pour eux : Nirvana, Noir désir, Joan Jett and the Blackhearts, le misirlou de Dick Dale …), un chanteur à textes et à guitare qui fit un bel interlude, et puis un groupe à bidouille comme je les aime, en fait un duo de musiciens rassemblant leurs thérémines pour l’occasion : space plumber (nom du projet solo du monsieur barbu ci-dessous).

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Il en résulta de bons morceaux électro-dansants, à base de batterie, de game-boy (la base du projet), d’impros au(x) thérémine(s), de samples (quelle voix déjà?) et même un final avec le jeu « multisports » d’une vieille console de mon enfance. C’était non seulement agréable à entendre mais aussi idéal pour se secouer, ce qu’on fit. Et comme au CSC il y a un petit côté Do it yourself, space plumber confia un pistolet laser à un des jeunes du public pour une bataille musicale, puis les manettes du jeu (tennis en gros pixels sur petit écran noir et blanc) à deux autres, et à la fin un autre balladait sa main le long du thérémine du comparse, ce qui donnait presque l’impression que c’est facile de jouer de cet instrument électro-acoustique aux allures de planche à repasser (mais spaceplumber camoufle le sien sous une moumoute qui lui donne des airs de perche de preneur de son).

https://soundcloud.com/spaceplumber

Entre deux averses

2594 était hésitante, hier soir. Elle avait mollement moutonné avec la tête du troupeau résignée à brouter un peu après la traite. Mais vraiment, ce gros crachin… Elle posa ainsi cinq bonnes minutes, le temps que la pluie forcisse et que les téméraires fassent demi-tour pour se remettre à l’abri.

De temps en temps 2594 (également connue sous le nom de Betsie 594) regarde passer les Renault 11, quand il fait beau. ça, c’est l’fun.

du chiac et la gniaque

« Bonsoir, je m’appelle Lisa Leblanc, je fais du fôlk trwash et j’aime les câow bâoy« .

Elle a dit ça très vite, tout juste le temps de jauger la salle, et d’envoyer sa première chanson « J’pas un cowboy« .

Fait que, c’était parti. Une bonne grosse heure de gniaque et de chiac, traduit en français dans l’interlude entre deux chansons pour que le public parisien comprenne de quoi il retourne malgré son accent et ce dialecte acadien. Ce n’est pas la première fois que Lisa Leblanc jouait à Paris, mais là, elle lançait son album (dispo depuis hier 25 mars, chez Tôt ou tard, un an après sa sortie au Canada). Fait que, elle avait l’air assurée comme ça mais, toujours droite dans ses bottes de cow boy, guitare acoustique en main, elle confessa une légère appréhension. Avant son entrée en scène, un jeune homme nous avait abordés : « Vous êtes français ? Comment vous êtes venus là ? Ah… Elle n’est pas très connue en France, Lisa Leblanc, vous pensez? » En effet. Mais ça ne devrait pas durer longtemps, avons nous répondu au gentil journaliste de La Presse, venu tâter l’accueil parisien de leur star (disque d’or et j’en passe).

Lisa Leblanc n’est pas calibrée pour le hit-parade, ne fait pas dans la variète à la mode (« tannée des chansons fi-filles ») mais parle country-style de ce qu’elle a pu vivre dans son Nouveau-Brunswick natal, avec une écriture chiadée et énergique, en reculant de 3 pas pour mieux balancer ses cheveux sur un riff de banjo.

Elle fait aussi dans le naturel bien campé, qui aime le rock et aimerait que le public parisien fasse un peu de sport (« la première personne à faire du crowdsurfing gagne l’album! » Peine perdue). Mais fait un show où elle prend le temps de se poser et de faire entendre ses textes et ses amours déceptives. Le chiac, la gniaque, et beau à chialer, sur Câlisse-moi là et quelques autres.

On croyait la salle timide, elle était comble, et assez hypnotisée. Applaudissements, rappels et même quelques refrains repris en coeur (P’tête que demain ça ira mieux mais aujourd’hui, ma vie c’est d’la maaaaarde… son tube, joliment enchaîné tout en douceur énergique après l’émotion de Câlisse-moi là.)
Sans doute que les parisiens n’ont pas bien l’habitude de ce franc-parler sans chichis, de ses histoires de plouc et d’amour pourtant universelles et bien écrites. Mais le plaisir était palpable, et partagé avec une bonne dose d’humour de part et d’autre.

Ah, voir Lisa Leblanc sur scène, ça vous ragaillardit comme c’est pas permis. Elle passe encore ce mercredi 27 à Paris (toujours à la Boule Noire), le 4 avril à Arles, et son album est là :
Cerveau Ramolli, chez Tôt ou tard.

PS : J’allais oublier de citer le duo qui fit la première partie avec des instruments électroniques comme il y a 30 ans, sauf que bien sûr ils ont moins de 30 ans : The Pirouettes.
Des textes à la Fleurant-Didier, en plus jeune, en plus couple, pas mal du tout.

PS 2 plus tardif : vérification faite, on n’écrit pas « Gniaque », mais « gnaque », ou « niaque ». Vérifié grâce à Télérama qui a fait le même jeu de mots que moi, mais sans faute d’orthographe (« La niaque et le chiac », ça sonne mieux, ce sont des pros), en une de leur supplément « Sortir » paru le lendemain du concert.

Mieux qu’une musique d’attente (2): un fin sanglier


Une musique qui, comme le sanglier, gratte vers les racines. Finement, car ce sont des racines un peu exotiques, pour des rennais : la musique de la campagne américaine, rocailleuse et entraînante, et qui secoue par moments, nous faisant rêver de grands espaces, agrippés à une bouteille d’alcool.
(il y a plein de termes anglo-saxons pour désigner ça, mais un journaliste de Rock&Folk les manie bien mieux que moi)


En concert, ils sont entraînants et chaleureux. Le chanteur ne ressemble pas à un sanglier, le guitariste n’est pas une ombre, le batteur se donne des airs de kid, et à eux trois ils envoient.

Les dessins que je fais en concert ne valent pas tripette, mais la petite salle de la Menuiserie de Pantin (que l’on conseille au passage) n’envoie la lumière que sur la scène. Je ne voyais pas mon carnet, et, comme tout le monde, je tapais du pied (et j’écoute en boucle leur dernier disque, Tales from the wrong side of town).

http://www.slimwildboar.com/

Mieux qu’une musique d’attente (1) : une petite chambre de bal

à quoi ça rime de faire remarquer qu’il  n’y a pas eu de parutions depuis des semaines ici, forcément parce que j’avais à faire ailleurs. En guise de musique d’attente, un aperçu d’un très bon concert qui eut lieu relativement récemment à l’Atelier : Little Ballroom.

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J’ai depuis acheté et écouté leur album maintes fois, avec une délectation toute particulière pour la septième piste

(qui fut réclamée en bis, en vertu de la règle assez arbitraire, mais souvent juste, que les meilleures chansons sont en septième position sur les albums. Le groupe n’ayant rien répondu de précis, le public de l’Atelier -dont moi- réclama le texte de Bukowski qui avait fait se trémousser tout le monde. Little Ballroom s’exécuta et nous rejoua Le trip de la plage. ça arrive qu’on attende le bis pour vraiment danser comme des fous.)

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Est-ce à cause des droits d’auteur de la famille Bukowski qu’on ne peut écouter le Trip de la plage sur le site de Little Ballroom ? Je ne sais, mais on le retrouve là, entre autres : http://www.lafugitive.com/#!artistes/c10tw

ou en vidéo sur le lien 5 lignes plus haut, un concert au Cleub qui avait l’air pas mal non plus, mais qui ne m’aide pas à distinguer si c’est la Bourse qui fait et défait les hommes et les familles, ou l’amour.

Il fallait ce genre de concert pour me replonger dans Bukowski, ça va me changer de Büchner, pourtant très bien biographé (mais j’en parlerai avec les prochains poissons).